Dans deux décisions en date du 18 janvier 2013, l’OFCOM, le régulateur britannique des médias, dans un litige opposant BBC Worldwide et l’ATVOD, l’Autorité de corégulation de la vidéo à la demande, a été amené à déterminer si deux chaînes de Youtube (BBC Food et Top Gear) pouvaient être considérées comme des services de programmes à la demande. En effet, l’enjeu résidait dans l’obligation de notification auprès de l’ATVOD et dans le paiement d’une redevance annuelle auxquels est soumis, au Royaume-Uni, tout service qui se voit reconnaître la qualité de service de « vidéo à la demande ».
L’interprétation concrète des critères pour définir un service de programme à la demande incombe en premier lieu à l’ATVOD et, en cas de contestation, la décision définitive revient à l’OFCOM. En l’espèce la BBC a fait appel de la décision rendue par l’ATVOD reconnaissant les deux chaînes de services de vidéo à la demande.
Conformément à la Directive Services de médias audiovisuels de 2007 adaptée par le Règlement applicable aux services de médias audiovisuels de 2009 et le Règlement applicable aux services de médias audiovisuels de 2010, l’OFCOM a procédé, dans ses deux arrêts, à une évaluation en deux étapes pour déterminer si une vidéo à la demande constituait un service de programmes à la demande:
– définir si le service en question visait principalement à proposer des services de programmes et,
– démontrer que le contenu concerné était suffisamment comparable à des services de programmes télévisuels, autant dans le contenu que dans la forme.
Sur le premier point l’OFCOM a confirmé la décision de l’ATVOD : le but principal des deux chaînes était de proposer des services de programmes audiovisuels ; les textes et la possibilité de commenter les contenus n’étaient qu’accessoires.
Concernant la comparaison, l’OFCOM a pris en compte plusieurs caractéristiques :
-la durée : les vidéos des deux chaînes étaient plus courtes que les programmes diffusés à la télévision, en l’espèce, d’une durée d’environ cinq à huit minutes et au maximum de 15 minutes, alors que par exemple le BBC iPlayer, relevant de la compétence de l’ATVOD, présente l’intégralité des programmes. De même, pour répondre à l’argument de l’ATVOD selon lequel des programmes courts sont diffusés à la télévision, la BBC a répondu que ses deux chaînes ne proposaient que des vidéos « sous la forme de clips et non de programmes en tant que tels ».
-la qualité : ces vidéos étaient disjointes les unes des autres, certaines commençaient ou se finissaient de manière brutale, certaines recettes n’étaient pas complètes par exemple. Il n’y avait pas de génériques de début ni de fin. La qualité de résolution n’étaient pas égales selon les vidéos, même si l’OFCOM n’a pas considéré cette caractéristique visuelle comme déterminante en l’espèce.
-la concurrence avec les programmes diffusés à la télévision : si certains éléments comme le logo de la BBC ou bien les présentateurs peuvent créer une confusion pour le spectateur, l’OFCOM les écarte considérant que les autres éléments de différenciation suffisent.
L’OFCOM a donc considéré que les deux chaînes ne relevaient pas de la définition d’un service de programmes à la demande.
L’OFCOM a toutefois souligné que « chaque service devrait être examiné sur la base de ses caractéristiques spécifiques et de l’ensemble des éléments de preuve pertinents ».
Cette décision est donc intéressante pour déterminer les critères utilisés par l’autorité régulatrice pour comparer un contenu audiovisuel avec des services de programmes télévisuels.
L’on relèvera que la consultation lancée par le CSA en France sur l’adaptation du décret met en évidence que le critère d’équivalence à un programme de télévision n’est pas évident.
Laurence HUIN