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Droit Social

Rupture conventionnelle licite avec un salarié protégé harcelé ou discriminé

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Retour sur une décision du Conseil d’État (CE, 13 avr. 2023, 459213) conforme à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation en matière de rupture conventionnelle.

En effet, pour les salariés non-protégés, « l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture » (notamment Cass. soc., 16 déc. 2015, 13-27212), le différend fût-il dû à l’existence de faits de harcèlement moral (Cass. soc., 23 jan. 2019, 17-21550).

Qu’en est-il des salariés protégés ?

En l’occurrence, un salarié protégé harcelé et discriminé depuis 2015, ayant obtenu en 2020 la condamnation prud’homale de son employeur pour ces faits, peut-il obtenir, des juridictions administratives, l’annulation de l’autorisation de rupture conventionnelle que l’inspection du travail et le ministre avaient rendue respectivement en 2017 et 2018 ? C’est à cette question que la décision commentée du Conseil d’Etat répond.

Le principe arrêté par la haute juridiction administrative est clair : « l’existence de faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale n’est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce que l’inspection du travail autorise une rupture conventionnelle, sauf à ce que ces faits aient, en l’espèce, vicié le consentement du salarié » (CE, 13 avr. 2023, 459213, §6).

La juridiction rappelle que l’inspection du travail ou le ministre du travail doivent vérifier les éléments suivants :

  1. la rupture conventionnelle n’a été imposée à aucune des parties ;
  2. les garanties légales ainsi que la procédure (négociation, indemnité de rupture, délais, etc.) ont bien été respectées ;
  3. aucun vice du consentement n’est présent au moment de la signature de la rupture conventionnelle.

Pour s’assurer de l’absence de vice du consentement, en dépit de l’existence de faits de harcèlement et de discrimination, la cour administrative d’appel avait notamment relevé que le salarié :

  • n’avait pas exercé son droit de rétractation après la signature de la convention de rupture conventionnelle ;
  • dans le cadre du contentieux prud’homal, avait, sans l’obtenir, sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail (il voulait donc rompre son contrat).

Le Conseil d’Etat juge que, ce faisant, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

Ainsi, bien qu’effectivement harcelé et discriminé, un salarié, fût-il protégé, peut parfaitement consentir à la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Sauf à ce dernier de démontrer que ces faits ont été à l’origine de troubles psychologiques ayant eu pour effet d’altérer l’intégrité de son consentement.

En clair, à l’instar d’un salarié non-protégé, un salarié protégé harcelé ou discriminé peut conclure une rupture conventionnelle tant que son consentement est libre et éclairé et l’inspection du travail ou le ministre peuvent autoriser la rupture.

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