Cass. Civ. du 12 mai 2021 n°19-24.610 Urssaf des Bouches-du-Rhône c/ société Uhlsport France
La Cour de cassation affirme dans cet arrêt que « la présentation directe au public d’un produit par un athlète, à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption » de contrat de travail applicable au mannequin.
A l’issue d’un contrôle au sein de la société Uhlsport France, l’URSSAF des Bouches-du-Rhône a réintégré dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale les sommes versées par cette société à des sportifs de haut niveau.
En vertu de contrat conclus avec cette société, les sportifs étaient chargés de promouvoir les équipements de la marque « Uhlsport ». Les sportifs, qui s’engageaient à porter ces équipements à l’occasion notamment des entraînements, matchs amicaux ou de championnat percevaient en contrepartie, en fin de saison, des indemnités en fonction du nombre de matchs joués et des résultats obtenus en étant ainsi équipés.
La juridiction de sécurité sociale a annulé la contrainte délivrée par l’URSSAF, décision confirmée en appel. Pour rejeter la demande de l’URSSAF, la cour d’Appel d’Aix-en-Provence a considéré que la relation entre la société qui exploite, dans le cadre de contrats de sponsoring, le nom et la renommée des sportifs recevant une compensation financière, est de nature commerciale. Ainsi, selon la cour d’appel, les sportifs en relation commerciale avec la société et qui reçoivent une contrepartie financière ne relèvent pas de l’activité de mannequinat au sens de du code du travail et en conséquence, la présomption de salariat fixée par ce code ne peut être retenue.
Selon la cour d’appel, si obligation est faite aux sportifs de donner à la société la possibilité d’utiliser leur nom et leur image dans le cadre de la commercialisation des équipements de la marque dans les catalogues, lors de campagnes promotionnelles et sur l’emballage des équipements, de fournir un cliché de leur personne portant l’équipement, les contrats ne font aucunement obligation aux sportifs de participer à une quelconque manifestation ou démonstration qui serait imposée par la société. La cour d’appel souligne que les clichés de sportifs porteurs de l’équipement promu n’ont pas été utilisés dans le cadre de la promotion de ses produits. Ainsi, la compensation financière qu’ils reçoivent résulte, en vertu des contrats de sponsoring, de leur acceptation de porter un équipement fourni durant leur activité sportive pour un employeur avec lequel ils sont par ailleurs liés professionnellement et cette seule compensation ne peut suffire à permettre une requalification de la relation en une relation de travail telle qu’elle existe entre un employeur et un salarié, laquelle répond à des critères précis dont l’existence d’un lien de subordination. Selon la Cour d’appel, l’URSSAF a retenu la présomption de salariat tirée de l’activité de mannequinat, sans apporter d’éléments quant au pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction qui permettrait de qualifier un lien de subordination.
Cette décision, qui a fait l’objet d’un pourvoi par l’URSSAF est cassée par la Cour de cassation au visa des articles du code du travail relatifs à la définition de l’activité de mannequin et à la présomption de contrat de travail.
En application de l’article L7123-2 du Code du travail « Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : 1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; 2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image ».
Selon l’article L7123-3 du code du travail, « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail », cette présomption « subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation » (art L7123-4 trav).
L’URSSAF fait valoir que les obligations faites au sportif, suffisent à caractériser son activité de mannequin, peu important que la société n’utilise pas ultérieurement les clichés des sportifs dans ses catalogues ou publications commerciales. L’activité de mannequin suppose seulement qu’il présente au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire, ou qu’il pose comme modèle. Il n’est pas exigé du mannequin qu’il participe à une manifestation ou une démonstration imposée par celui qui s’assure son concours.
La Cour de cassation accueille le pourvoi de l’URSSAF et affirme donc que « la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption ».
Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve : il ressortait de ses propres constatations que les conventions litigieuses emportaient pour les athlètes l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations. Ainsi, ces contrats étaient présumés être des contrats de travail de mannequin, et il appartenait au contraire à la société de renverser cette présomption en apportant la preuve de l’absence de lien de subordination.
En conséquence, les rémunérations versées en application de ces contrats devaient être qualifiés de salaire, et partant, soumis à cotisation de sécurité sociale.