Le remplacement ou la succession d’auteurs différents dans l’écriture d’un film pose souvent des questions délicates ; la décision particulièrement motivée rendue par la Cour d’Appel de Paris doit donc retenir l’attention.
En l’espèce, un producteur de cinéma avait confié à deux auteurs la réalisation d’un film d’animation, aux termes d’un contrat comprenant l’adaptation du scénario, la création des éléments graphiques, la réalisation d’un film pilote, et la réalisation du film jusqu’à son achèvement ; il avait également conclu avec un co-auteur un contrat pour la création graphique des personnages du film.
Un an plus tard, le producteur informait les auteurs de la suspension de la production du film, dans l’attente de la réunion du financement nécessaire et concluait avec les trois co-auteurs des contrats de cession des droits d’auteur sur les dessins des personnages.
Quelques mois plus tard, il informait ces auteurs qu’il abandonnait le projet et que les contrats d’origine étaient donc résiliés de plein droit.
Associé à un nouveau co-producteur et à une nouvelle équipe de scénaristes et de réalisateurs, le producteur reprenait néanmoins le projet.
Les auteurs d’origine dénonçaient alors la résiliation de leurs contrats de scénaristes-réalisateurs et soutenaient que cette résiliation entrainait celle du contrat de cession des droits d’auteur sur les œuvres graphiques.
Pour obtenir l’annulation de la résiliation, les auteurs mettaient en avant le caractère potestatif de la clause de résiliation ; la Cour rejette cet argument en retenant que la réunion du financement du film ne dépend pas que du producteur mais de tiers qu’il doit convaincre et constate que le producteur a échoué à réunir ce financement, compte tenu notamment des critiques émises par les partenaires contactés quant au coût de production, à la qualité du scénario et aux orientations graphiques.
La Cour constate que le projet mené à son terme a nécessité des modifications importantes afin de limiter les investissements.
S’agissant de la cession des droits d’auteur sur les œuvres graphiques, la Cour retient que les contrats de co-réalisateur et les contrats de cession sont juridiquement indépendants, qu’ils ne portent pas sur le même objet et que l’auteur, avisé de la suspension de son contrat d’auteur-réalisateur, ne pouvait se méprendre sur l’objet de la cession de ses droits d’auteur sur les créations graphiques.
Enfin, examinant les scénarios et le film produit, la Cour écarte le grief de contrefaçon et retient l’originalité de l’œuvre finale.
S’agissant du droit moral, la Cour retient que les auteurs ont accepté en connaissance de cause que soient apportées à leur graphisme des modifications et adaptations rendues nécessaires par la production d’un film d’animation.
S’agissant de la portée de la cession, la Cour retient enfin que la rémunération des cessions de créations graphiques n’était pas dérisoire et que la cession autorisait expressément l’exploitation de produits dérivés du film.
La Cour déboute donc les co-auteurs initiaux de toutes leurs demandes après avoir validé les pratiques contractuelles.
Eric LAUVAUX