L’exposition d’un salarié au tabagisme passif engage la responsabilité de l’employeur et le paiement de dommages et intérêts.
Selon un arrêt rendu le 3 juin 2015 par la Cour de cassation, le fait d’accompagner ses collègues fumeurs lors de leur pause cigarette ou de se déclarer satisfait de ses conditions de travail n’empêche pas de réclamer à l’employeur, après la rupture du contrat, des dommages-intérêts au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité de résultat.
Cet arrêt récent est une nouvelle illustration du contrôle extrêmement rigoureux qu’attache la Haute Cour au strict respect de la règlementation antitabac sur le lieu de travail.
Déjà en 2005, la Chambre Sociale avait donné raison à une salariée qui avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en énonçant que les mesures prises par l’employeur (en l’occurrence interdire aux autres salariés de fumer en sa présence et à apposer des panneaux d’interdiction de fumer dans le bureau à usage collectif qu’elle occupait) n’étaient pas suffisants pour l’exonérer de son obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l’entreprise (Cass. soc, 29 juin 2005, n°03-44412).
Puis dans son rapport annuel de 2007, la Cour de cassation revenait sur le principe du respect de la santé au travail en indiquant que dans le contrat de travail, par lequel le salarié louait ses services et engage son activité corporelle, le principe de proportionnalité constituait le standard qui permettait de doser les contraintes imposées à la personne dans l’intérêt de l’entreprise au regard de ses droits fondamentaux. La Haute Cour précisant ainsi qu’un environnement de travail pathogène était de facto de nature à rompre cet équilibre.
Par la suite, la Cour de cassation avait ainsi confirmé le bien-fondé de la prise d’acte d’un salarié pour avoir été exposé de manière continue à la fumée de cigarettes dans le lieu de travail, estimant que les constatations relatives à l’insuffisance du taux de nicotine trouvé dans le sang du salarié exposé aux fumées de cigarette étaient inopérantes, (Cass. soc, 6 octobre 2010, n°0965103).
Depuis lors, la jurisprudence est donc bien arrêtée en cas de méconnaissance de la réglementation antitabac sur le lieu de travail, dès lors que le salarié a été exposé, l’employeur engage sa responsabilité au titre de son obligation de sécurité de résultat ; et en dehors de la force majeure, il ne peut d’aucune manière s’exonérer de celle-ci.
L’arrêt du 3 juin dernier vient de nouveau apporter une pierre à l’édifice jurisprudentiel restrictif de la Cour de cassation en la matière.
Ainsi, dans cette affaire, une salariée avait été engagée le 4 avril 2005 en qualité de dessinatrice par la société Habitat création. Placée par la suite en arrêt de maladie, le médecin du travail l’avait déclarée inapte en mai 2011 à son poste de travail, sans seconde visite, pour danger immédiat. Elle était licenciée le 23 juin 2011 pour impossibilité de reclassement.
L’intéressée avait alors saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes, parmi lesquelles le versement de dommages et intérêts pour tabagisme passif.
Etant précisé que cette salariée accompagnait ses collègues lors des pauses cigarette dans un local non ventilé, la cour d’appel de Rennes avait débouté la salariée de cette demande, au prétexte que, dans un entretien d’évaluation, elle s’était déclarée très satisfaite des relations avec ses collègues, qu’elle ne s’était jamais plainte du fait que les autres salariés fumaient au travail, que sa présence au sein de l’entreprise était très réduite et que l’affection qui avait conduit à son inaptitude ne présentait aucun lien avec le tabagisme passif.
Cette motivation n’a pas résisté aux fourches caudines de la Haute Cour, laquelle rend un arrêt lapidaire dans ces termes :
« Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exonérer l’employeur de sa responsabilité en matière d’exposition de la salariée au tabagisme passif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale »
La Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle au demeurant, au visa de l’article L 4121-1 du Code du travail que l’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en matière d’exposition de la salariée au tabagisme passif et casse donc l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes.
En d’autres termes, le comportement passif, voire tolérant, de la victime ne peuvent d’aucune manière exonérer l’employeur de sa responsabilité.
Dans la présente affaire, les parties ont donc été renvoyées devant une autre cour d’appel qui devra statuer sur le montant des dommages-intérêts à accorder.
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Pour mémoire, Rappelons que cet article L 4121-1 détermine les obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité de ses salariés et dispose que » l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
Bettina SCHMIDT
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