Titres-restaurant en cas de demi-journée de travail : peu importe que le salarié n’ait pas effectivement pris son repas – Retour sur la jurisprudence du 1er semestre 2023
Le 21 avril 2023, la Cour de cassation a rendu un arrêt (Cass. soc., 21 avr. 2023, 21-11322) à propos d’un salarié dont la durée hebdomadaire de travail était répartie sur 4,5 jours, et qui prétendait à l’acquisition de titres-restaurant pour la demi-journée travaillée.
En l’espèce, le salarié exerçait ses fonctions selon l’horaire hebdomadaire fixé par un avenant à 36 heures sur quatre jours et demi.
Son temps de travail se répartissait selon un système d’horaires individualisés notamment de la façon suivante :
- des plages fixes : de 9h15 à 11h15 et de 14h à 16h ;
- des plages mobiles : de 7h30 à 9h15, de 11h15 à 14h, et de 16h à 19h ;
- durée de la demi-journée de travail : 4 heures le vendredi matin ;
- pause méridienne : 30 minutes entre 11h15 et 14h.
Le salarié pouvait-il être exclu du bénéfice de titres-restaurant le vendredi ?
Pour refuser l’octroi des titres-restaurant lors de la demi-journée travaillée, l’employeur avançait deux arguments :
- seul le matin devait être travaillé durant la demi-journée, ce qui excluait que le repas soit compris dans l’horaire journalier de travail du salarié ;
- il fallait rechercher si le salarié avait effectivement interrompu ses 4 heures de travail et était revenu travailler après sa pause déjeuner pour caractériser l’inclusion ou non du repas dans l’horaire de travail journalier.
Pour confirmer la décision de la cour d’appel condamnant l’employeur à allouer 109 titres-restaurants, la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article R3262-7 du code du travail, que : « la seule condition à l’obtention du titre-restaurant est que le repas du salarié soit compris dans son horaire journalier » et non qu’il soit effectivement pris durant cet intervalle.
Or, après avoir analysé les plages horaires de travail fixes et mobiles prévues par l’employeur, la Cour de cassation constate qu’aucune disposition contractuelle ou conventionnelle n’impose au salarié d’effectuer ses 4 heures de travail de manière continue. Elle ajoute que même si le salarié décidait, dans le cadre de l’horaire individualisé, de commencer sa demi-journée à 7h30 et travaillait 4 heures en continu sans pause (soit jusqu’à 11h30), sa demi-journée se terminerait après le début de la plage horaire prévue dans l’entreprise pour prendre de la pause déjeuner, à savoir, après 11h15.
Ainsi, ses horaires de travail recoupant nécessairement la pause déjeuner, dans la plage horaire fixée par l’employeur, le salarié était éligible aux titres-restaurant « peu important que le salarié [ait] ou non effectivement pris sa pause déjeuner ».
La décision est sévère car, si indéniablement, même lors d’une demi-journée, le salarié finissait, au plus tôt, à 11h30, soit au moins 15 minutes après le début du créneau de la pause déjeuner (débutant à 11h15), il n’avait pas nécessairement eu le temps théorique de bénéficier entièrement d’une pause méridienne d’un minimum de 30 minutes « dans son horaire de travail journalier ». Or, d’après l’article R3262-7 du code du travail, c’est « le repas » qui doit être compris dans l’horaire journalier. En l’occurrence, le salarié n’avait pas, en toute hypothèse, le temps de prendre un repas de 30 minutes selon l’heure à laquelle il terminait sa demi-journée de travail. Ce n’est que s’il terminait au moins à 11h45 qu’une prise exhaustive du repas était théoriquement envisageable. Il convient manifestement cependant de considérer qu’une fin de travail se terminant durant le créneau de la pause méridienne est suffisante pour rendre le salarié éligible au titre-restaurant, quand bien même cet horaire ne permettrait pas une prise complète du repas.
Cette décision publiée rappelle la position adoptée par la haute juridiction concernant le bénéfice de titres restaurant d’un salarié à temps partiel, pour lequel il n’y avait pas lieu de distinguer selon que sa pause repas concernait des plages d’horaires fixes ou résultait de sa libre détermination des plages mobiles lui permettant d’intercaler son temps de repas entre 2 séquences de travail (Cass. soc., 20 févr. 2013, 10-30028).