En 1997, le créateur prétendu d’un jouet nommé « roller coaster » avait cédé à un tiers ses droits d’auteur. Quelques années plus tard, le cessionnaire de ces droits a assigné un fabricant de meubles et d’articles pour la maison, lui faisant grief de commercialiser un jouet constituant une contrefaçon du « roller coaster », de reproduire sans autorisation le titre « roller coaster » et de commettre par ailleurs des actes de concurrence déloyale.
Les juges de première instance avaient fait droit aux prétentions du demandeur. La Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 12 mai 2009, a infirmé ce jugement, considérant que le demandeur ne rapportait pas la preuve que la personne qui lui avait cédé ses droits d’auteur sur le « roller coaster » était bien le créateur du jouet objet du litige. La Cour d’appel en a déduit qu’il était impossible pour le demandeur d’agir en contrefaçon : le cédant « n’étant pas l’auteur de ce jouet, n’a pu en céder valablement les droits de propriété intellectuelle ».
Le demandeur s’est alors pourvu en cassation, reprochant en premier lieu à la Cour de ne pas avoir tenu compte de décisions étrangères lui ayant reconnu le bénéfice du droit d’auteur, et notamment d’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 24 avril 2001.
Le pourvoi reproche en effet aux juges d’appel de ne pas avoir tenu compte de ce « qu’un jugement étranger produit en France ses effets, en tant que fait juridique, indépendamment d’une vérification de sa régularité internationale par une procédure de reconnaissance ou d’exequatur ».
La Cour de Cassation, dans cet arrêt, vient préciser la distinction entre l’efficacité substantielle d’une décision étrangère en France et sa prise en compte en tant que fait juridique. En l’espèce, la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel d’avoir « jugé que M.X se prévalait non pas d’un simple effet de fait mais de l’efficacité substantielle de cette décision belge, qui, contestée, requérait d’être reconnue en France ».
La Cour semble ici opérer un revirement de jurisprudence. En effet, par un arrêt du 22 janvier 2009, rendu dans une affaire identique opposant le même défendeur à d’autres parties, la première chambre civile avait décidé qu’ « un jugement étranger produit en France des effets, en tant que fait juridique, indépendamment d’une vérification de sa régularité internationale par une procédure de reconnaissance ou d’exequatur ». Cette décision avait été vivement critiquée par la doctrine : un jugement étranger se prononçant sur la titularité d’un monopole intellectuel crée un état de droit que l’on ne saurait réduire à un fait brut dans le cadre d’un procès en contrefaçon en France.
En revanche, c’est sur le second argument du pourvoi que la Cour de Cassation va censurer l’arrêt d’appel : le demandeur au pourvoi avait fait valoir devant la Cour d’appel que la loi belge était applicable pour déterminer si le créateur prétendu du jouet était bien titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre litigieuse. Or la Cour d’appel avait estimé qu’aucune des parties ne contestait que le droit français était applicable à la détermination de la qualité d’auteur du créateur du jouet litigieux.
La Haute juridiction vise, de façon assez habituelle, l’article 3 du Code civil pour casser l’arrêt de la Cour d’appel qui aurait dû mettre en œuvre la règle de conflit. Mais elle vise également l’article 4 du Code de procédure civile aux termes duquel « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ». Le juge qui omet de se prononcer sur l’application de la loi étrangère, belge en l’espèce, alors que celle-ci est revendiquée par l’une des parties, statue en méconnaissance de l’objet du litige.
En tout état de cause, la Cour ne se prononce pas sur le critère de rattachement pour déterminer le titulaire des droits d’auteur sur la création litigieuse. C’est à la Cour d’appel de renvoi qu’il reviendra de décider si la définition de l’auteur doit être ou non tirée du droit belge.
Jade TELLINI