Transfert conventionnel du contrat de travail et obligations du repreneur
Le nouvel employeur n’est tenu des obligations qui incombaient à l’ancien au moment du transfert conventionnel des contrats de travail qu’à partir du moment où les dispositions conventionnelles l’ont prévu.
Au cours de l’exécution de son contrat de travail, un salarié peut être amené à changer d’employeur. Les tâches à accomplir ne changeront pas et le salarié conservera son ancienneté mais son contrat de travail sera transféré auprès d’un autre employeur.
La loi prévoit ce transfert, qui s’impose aux parties, lorsque survient une modification juridique de l’employeur initial, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, etc… (art. L1224-1 du code du travail).
Dans ce cas, le législateur a prévu que le nouvel employeur était tenu, sauf exception, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à l’égard des salariés dont le contrat subsiste (art. L1224-2 c. trav.). Ainsi, par exemple, le salarié d’une société A, dont le contrat est transféré au sein d’une société B, est en droit de réclamer des dommages et intérêts en raison de fautes commises par la société A directement auprès de son nouvel employeur, la société B. Cette dernière pourra ensuite se retourner contre le premier employeur pour lui réclamer remboursement des sommes acquittées (art. L1224-2 c. trav.).
Le code du travail souhaite ainsi simplifier les démarches du salarié dont le contrat peut avoir été transféré successivement au sein de plusieurs sociétés ; l’idée étant que ledit salarié n’ait qu’un seul interlocuteur, son dernier employeur.
Toutefois, ces dispositions ne sont applicables qu’en cas de transfert d’une entité économique autonome conservant son identité. A défaut, le transfert légal n’a pas lieu. Tel est le cas, le plus souvent, en cas de perte de marché. Pour remédier à cette difficulté, et assurer aux salariés le maintien de leur contrat de travail au sein de la nouvelle société ayant acquis le marché, les partenaires sociaux ont prévu des transferts conventionnels au sein de certaines branches (notamment prévention et sécurité, nettoyage, transport interurbain de voyageurs, activités du déchet).
Certaines conventions collectives de branche imposent donc, en cas de perte de marché, sous certaines conditions, que le contrat de travail des salariés de la société sortante (celle qui perd le marché) soit transféré au sein de l’entreprise entrante (celle qui acquière le marché). Il s’agit d’un transfert conventionnel (par opposition au transfert légal prévu par l’article L1224-1 du code du travail).
Dans ce cas, le nouvel employeur est-il tenu, vis-vis du salarié dont le contrat de travail subsiste au sein de son entreprise, aux obligations du précédent employeur, à l’instar d’un transfert légal ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans une décision du 27 mai dernier (Cass. soc. 27 mai 2015, 14-11155).
Dans cette affaire, une salariée avait été embauchée en CDD par une première entreprise, société A. Le contrat s’est ensuite transformé en CDI. Puis, à la suite de la perte d’un marché, la salariée a été transférée, en application de dispositions conventionnelles (Convention collective des entreprises de propreté), au sein d’un nouvel employeur, société B.
A l’occasion de la rupture de son contrat de travail avec la société B, la salariée formula judiciairement différentes demandes à son encontre, dont une concernant la requalification en CDI du CDD signé avec la société A.
Constatant que le transfert du contrat de travail n’était pas légal mais conventionnel, la société B sollicita le débouter des demandes relatives à la requalification du CDD en CDI, arguant qu’elle n’était pas responsable des agissements de la société A (signature de CDD). La cour d’appel fit néanmoins droit à la salariée considérant qu’en cas de transfert conventionnel, le nouvel employeur était tenu des « obligations qui incombaient à l’ancien employeur ».
Dans sa décision du 27 mai dernier, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond. Si elle envisage la possibilité de la prise en charge, par le nouvel employeur, des sommes éventuellement dues au salarié par le précédent, ce n’est qu’à la condition que la convention collective le prévoit expressément. Or t’el n’était pas le cas en l’espèce : « la poursuite du contrat de travail résultait de la seule application des dispositions conventionnelles susvisées, lesquelles ne prévoient pas que le nouveau prestataire est tenu des obligations qui incombaient à l’ancien au moment du transfert du contrat de travail ».
La société B n’avait donc pas à assumer l’indemnité de requalification d’un CDD en CDI due à la méconnaissance des règles légales par la société A. La salariée devra donc engager une nouvelle procédure en saisissant le conseil de prud’hommes directement contre cette dernière.
Romain PIETRI
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