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CAA Versailles 4 juin 2019, n° 17VE01685-17VE02481 Sopra Steria

La Cour administrative d’appel de Versailles a récemment jugé que les sommes perçues par une société française d’édition et de distribution de logiciels professionnels à raison de prestations réalisées à l’étranger, qui avaient pour objet de fournir une assistance technique à l’utilisateur des logiciels, dans le cadre d’une maintenance corrective, et d’assurer la mise à jour des logiciels, ne constituaient pas des redevances au sens des conventions fiscales qui étaient applicables. Dès lors, la retenue à la source pratiquée dans les pays concernés ne pouvait pas donner lieu à un crédit d’impôt imputable en France sur l’impôt sur les bénéfices du prestataire (CAA Versailles 4 juin 2019 n° 17VE01685-17VE02481 Sopra Steria).

Pour parvenir à cette conclusion, la cour relève que le client pouvait acquérir la licence sans la maintenance et que la maintenance était facturée distinctement. La cour en a déduit que les prestations de maintenance n’étaient pas un simple accessoire indissociable du droit d’utilisation du logiciel. Par ailleurs, si le contrat de maintenance avait pour effet de permettre au client de bénéficier de l’expertise du prestataire, il n’avait pas pour objet de transférer à celui-ci, pour son usage, un droit de propriété intellectuelle, un savoir-faire ou des informations ayant trait à son domaine d’expertise.

En amont de ce litige, on comprend implicitement que les sommes versées par les clients étrangers (en l’espèce situés au Brésil, en Espagne, au Maroc et en Thaïlande) avaient été soumises à une retenue à la source sur la totalité des sommes versées, certainement au taux autorisé pour les « redevances » définies par les conventions fiscales avec ces pays, sans distinguer le traitement de la licence des logiciels des prestations ultérieures d’assistance technique.

Pour mémoire, et même s’il existe des différences d’une convention fiscale à l’autre, aux termes de la convention modèle de l’OCDE, les redevances désignent les rémunérations de toute nature payées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique, y compris les films cinématographiques, d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un dessin ou d’un modèle, d’un plan, d’une formule ou d’un procédé secrets et pour des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique.

Pour en revenir au litige commenté, aucune des conventions applicables ne visait les logiciels dans sa définition des redevances. Néanmoins l’administration fiscale française a eu l’occasion de préciser, à propose de la convention fiscale avec l’Ouzbékistan du 22 avril 1996 où il en est de même, que sa définition vise l’ensemble des droits d’auteur et que sont ainsi inclus dans la définition des redevances les produits de concession de logiciels qui sont qualifiés de droits d’auteur en droit interne français. N’en restent pas moins exclues de la définition des redevances les prestations de services techniques, qui n’entraînent pas de transfert de savoir-faire, que cela soit ou non expressément prévu dans un protocole à la convention fiscale applicable.

La difficulté réside souvent dans la frontière entre prestations techniques correspondant à un bénéfice d’entreprise -à ce titre imposable aux termes des conventions fiscales uniquement dans le pays du prestataire à défaut d’établissement stable dans le pays du client étranger, et donc sans retenue à la source locale susceptible d’ouvrir droit à un crédit d’impôt dans le pays du prestataire- et celles impliquant un transfert de savoir-faire autorisant une telle retenue à la source dans les limites prévues par la convention. Dans nombre de pays, l’Etat exige de facto une retenue à la source sur les rémunérations versées aux prestaires étrangers, dans une lecture maximaliste des redevances. Le Brésil parmi d’autres est bien connu pour avoir eu cette approche dans la période récente.

Comme l’illustre la présente décision, le pays du prestataire, et la France en particulier, n’entendent pas prendre à leur charge via l’octroi d’un crédit d’impôt des précomptes opérés en méconnaissance des conventions. Du moins ces précomptes restent-ils en principe des charges déductibles du résultat imposable du prestataire, contrairement à ceux conformes aux conventions mais que le prestataire ne parviendrait pas à transformer en crédit d’impôt faute de bénéfice imposable suffisant.

Cette nouvelle décision rappelle les nécessaires reflexes à adopter lors de la préparation des contrats :

–          vigilance dans la définition et la qualification des prestations et des rémunérations

–          nécessité de spécifier si la rémunération s’entend avant ou au contraire nette de la retenue à la source éventuellement précomptée dans l’Etat de source

–          respect formel à prévoir des attestations de résidence fiscale et de retenue à la source afin de mettre en œuvre de manière sécurisée les conventions fiscales et les crédits d’impôt conventionnels.

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