(Cass. com. 18/09/2024, n° 22-18.436 et n° 23-10.455)
On rappelle que le transfert de propriété des actions non cotées résulte de leur inscription en compte ou dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé au nom de leur propriétaire, à la date fixée par l’accord des parties et notifiée à la société[1].
Par deux arrêts du 18 septembre 2024, la Cour de cassation apporte d’intéressantes et importantes précisions sur la notion et les modalités de cette inscription en compte :
? L’inscription en compte des actions non cotées est celle effectuée soit au compte individuel de l’acquéreur soit dans le registre de mouvements de titres :
En pratique, un transfert d’actions est habituellement comptabilisé tant dans le registre de mouvements des titres de la société que dans les comptes individuels d’actionnaires.
Pour la Cour de cassation, une seule inscription suffit pour permettre le transfert de propriété :
« […] le transfert de propriété résulte de l’inscription de ces actions au compte individuel de l’acheteur ou dans les registres de titres nominatifs tenus par la société émettrice.
Il s’ensuit que le cessionnaire acquiert la qualité d’actionnaire à la date effective de l’inscription, par la société émettrice, des actions cédées au compte individuel de l’acheteur ou sur les registres de titres nominatifs qu’elle tient ».
Le transfert de propriété est ainsi effectif si l’inscription a été effectuée dans le registre de titres mais omise dans le compte individuel de l’acquéreur, et inversement.
? La date de cette inscription ne peut pas être antérieure à la notification faite à la société :
Cette question faisait jusqu’alors l’objet de positions diverses, à défaut de précisions du texte qui se contente d’énoncer que l’inscription en compte est faite à la date fixée par l’accord des parties et notifiée à la société émettrice. Certains en déduisaient que n’importe quelle date pouvait être fixée par les parties.
La Cour de cassation tranche ce point : « Cette date ne peut être antérieure à la notification faite à la société émettrice ».
Il est donc désormais clair que la date d’inscription en compte notifiée à la société, et partant celle du transfert de propriété, ne peut être que celle du jour de la notification de la cession ou une date postérieure.
La Cour de cassation ajoute que « la société peut voir sa responsabilité engagée si cette date n’est pas celle fixée par les parties ».
? Cette inscription peut être effectuée au moyen du formulaire Cerfa :
L’inscription d’actions non cotées au nom de l’acquéreur s’effectue habituellement au moyen d’un ordre de mouvement signé du cédant, sur la base du modèle Afnor recommandé.
La forme et le contenu de cet ordre ne sont toutefois pas réglementés, de sorte que tout écrit contenant les instructions claires et précises du cédant peut valoir ordre de mouvement.
Pour la Cour de cassation, c’est le cas du formulaire Cerfa qui contient toutes les informations nécessaires : « le formulaire Cerfa […], qui est signé par le cédant et qui comporte toutes les informations nécessaires pour inscrire la cession sur le registre des mouvements de titres et le compte d’actionnaire, vaut ordre de mouvement, de sorte que l’inscription de la cession au registre des mouvements de titres de la société […] et au compte d’actionnaire de M. […] était régulière, que le transfert de propriété était intervenu, et que M. […] avait la qualité d’actionnaire unique de la société […] ».
Rappelons que le formulaire Cerfa 2759-SD est utilisé pour les formalités d’enregistrement fiscal d’une cession d’actions non constatée par un acte, lequel contient les mêmes mentions principales que celles de l’ordre de mouvement (notamment l’identification des parties et le nombre d’actions cédées), et même davantage puisque le prix de cession y est renseigné contrairement à l’ordre de mouvement.
Il est donc logique que ce formulaire puisse valoir ordre de mouvement, dès lors que, comme le rappelle la Cour de cassation, « aucun texte législatif ou réglementaire ne régit la forme et le contenu de ce document ».
Reste la possibilité pour les statuts de la société d’exiger un ordre de mouvement normalisé fourni par la société, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
?
[1] Art. L.228-1, al 9 et R.228-10 c.com.