Transformation d’un distributeur en commissionnaire
La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 31 décembre 2012 une importante décision concernant les conséquences fiscales de la conversion en commissionnaire d’une société qui intervenait auparavant dans le cadre d’un contrat de distributeur. La société Ballantine Mumm Distribution (« BMD »), grossiste, est ainsi passée du statut d’acheteur-revendeur à celui de commissionnaire, agissant en son propre nom, mais pour le compte de la société de droit anglais ADSW, sans percevoir à cette occasion ni rémunération, ni indemnité de rupture.
L’administration fiscale a considéré que la transformation de la société BMD en commissionnaire avait entraîné le transfert de sa clientèle vers son commettant : elle a donc réintégré aux résultats de la société la valeur estimée de cette clientèle, censée correspondre à l’indemnité à laquelle la société aurait pu prétendre, en se basant sur la théorie de l’acte anormal de gestion ainsi que sur l’article 57 du CGI relatif aux prix de transfert entre sociétés liées. Ce montant a également été soumis à une retenue à la source en tant que revenu réputé distribué à la société anglaise ADSW.
Le Tribunal administratif de Paris avait donné raison à l’administration fiscale mais la Cour a cassé le jugement.
La Cour a ainsi relevé que la société, « par les moyens qu’elle a mis en œuvre, doit être regardée comme ayant créé sa propre clientèle distincte de la clientèle attachée exclusivement aux produits des marques appartenant à la société ADSW». Ces moyens avaient consisté dans une stratégie propre d’implantation et de pénétration du marché français en engageant des dépenses publi-promotionnelles lourdes dans le but de développer son réseau de clientèle « cafés hôtels restaurants » (« CHR »). La société disposait par ailleurs d’une direction marketing propre et d’une direction spécifique à la clientèle CHR. Dans ces conditions, la Cour a considéré que la clientèle que s’était constituée la société BMD n’a pas cessé de lui appartenir à l’occasion de sa conversion en commissionnaire.
La Cour a pris le soin de noter que « si la rémunération de la société en qualité de commissionnaire était inférieure à celle qui lui était allouée en qualité d’acheteur-revendeur, il résulte de l’instruction qu’elle a été proportionnée aux fonctions et aux risques supportés par elle du fait de son nouveau statut ». Il ressort en effet de la décision que le changement de statut avait impliqué un transfert vers le commettant de la responsabilité de la publicité et de la promotion des produits, de la propriété du stock et de la responsabilité pour tous dommages liés aux produits, du risque de non-recouvrement et de financement des stocks, ainsi que de la détermination des prix de vente aux clients. La Cour a aussi été sensible au fait que la société BMD était devenue bénéficiaire alors que ses résultats étaient auparavant déficitaires.
Cette décision apporte une clarification bienvenue sur les conséquences d’une conversion de distributeur en commissionnaire. On attendra cependant la décision du Conseil d’Etat dans cette affaire, l’administration fiscale ayant introduit un recours contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel.