La Cour de Cassation s’est prononcée une nouvelle fois sur cette question complexe dont les enjeux sont très importants pour les acquéreurs ou les cessionnaires de parts sociales ou de titres assortis d’une garantie de passif que nous sommes amenés à conseiller.
La Cour de Cassation s’est prononcée une nouvelle fois sur cette question complexe dont les enjeux sont très importants pour les acquéreurs ou les cessionnaires de parts sociales ou de titres assortis d’une garantie de passif que nous sommes amenés à conseiller. Les garanties d’actif ou de passif, quelle que soient la qualification juridique à laquelle leur rédaction peut les faire prétendre (garantie de valeur, garantie indemnitaire, etc..), sont le plus souvent destinées à rester en vigueur pendant des mois ou même des années, période au cours de laquelle la société objet de la garantie, ou la cessionnaire de cette dernière, peuvent voir leur situation juridique changer du fait d’un transfert, rendant la garantie plus difficile à mettre en œuvre. Le rédacteur de la garantie doit être particulièrement diligent, selon qu’il conseille la partie qui donne la garantie, ou celle qui la reçoit, à anticiper ces changements.
Dans l’affaire susvisée, l’hypothèse était assez classique : des parts sociales d’un Cabinet d’expertise comptable avaient été cédées par un associé, la cession ayant été assortie d’une garantie de « maintien de valeur » permettant au cessionnaire d’être dédommagé, au prorata du nombre de parts sociales cédées, de « tout amoindrissement de la valeur de l’actif ou de tout accroissement du passif de la société [cible] survenant postérieurement mais ayant une origine antérieure à la cession ». La clause de garantie ne contenait aucune disposition quant à l’éventuel transfert de la garantie. Les parts sociales objet de la garantie avaient ensuite été cédées par leur cessionnaire à un sous-cessionnaire, l’acte régissant cette cession ultérieure précisant que le cessionnaire transmettait au sous-cessionnaire l’intégralité des engagements souscrits par le cédant initial. Cet acte, à l’initiative du sous cessionnaire, ayant fait l’objet d’une signification par huissier au cédant initial, ce dernier s’était vu assigner au fin de mettre en œuvre la garantie de passif qu’il avait octroyée au départ.
La Cour d’Appel de Besançon, dont l’arrêt était soumis à l’examen de la Cour de Cassation, avait conclu que, s’agissant d’une garantie de valeur (et non d’une garantie indemnitaire), elle était de nature intuitu personae et, de ce fait, conférée au seul cessionnaire, sans que ce dernier puisse dès lors en transférer ensuite le bénéfice. La Cour d’Appel s’appuyait également, pour faire cette analyse, sur l’absence de disposition organisant la transmission de la garantie dans l’acte initial.
La Cour de Cassation rejette l’analyse en question car elle considère que l’absence de disposition organisant la transmission de la garantie n’est pas de nature à rendre cette transmission impossible. La Cour de Cassation ne semble pas dans son arrêt prendre en compte la distinction entre garantie de valeur et garantie indemnitaire faite par la Cour d’Appel.
Les circonstances de l’affaire sont intéressantes car non seulement la convention contenant la garantie ne contenait pas de disposition organisant son transfert à d’éventuels sous-cessionnaires, mais elle ne contenait pas non plus de prohibition à un tel transfert. La Cour de Cassation ne le relève pas mais il est très probable que si une prohibition au transfert avait été édictée par les parties initiales, il lui aurait été donné plein effet (même si quelques doutes peuvent exister quant à la validité d’une telle clause au regard de l’Article L 442-6 II. c)).
Cet arrêt, en tant que praticien, doit être pris en compte et guider dans la rédaction selon que l’on conseille le cédant ou le cessionnaire initial des parts ou actions donnant lieu à la garantie. En tant que cédant, on sera tenté de demander que la garantie soit assortie d’une prohibition de cession, de manière à éviter qu’un sous-cessionnaire, encore inconnu au jour de la cession initiale, cherche à s’en prévaloir. Beaucoup de cessionnaires refuseront néanmoins une telle prohibition car ils pourront considérer, surtout s’ils appartiennent à des groupes de sociétés, que les parts ou actions garanties risquent d’être reclassées au sein de leur groupe, ou même à être recédées à un tiers, alors que la garantie est encore en vigueur et donc qu’il est très important que cette garantie, constitutive de valeur, soit aussi « mobile » que les actions ou parts qui la sous-tendent. Le conseil du cessionnaire aura, lui, intérêt si on lui refuse une rédaction précisant les modalités de transfert de la garantie, à s’en tenir à un texte qui reste neutre quant à la possibilité de transfert de ladite garantie. La présente décision est en effet de nature à servir les intérêts de son client. On ajoutera que le conseil du sous-cessionnaire sera, quant à lui, bien avisé s’il considère qu’une garantie du cédant initial revient à son client acquéreur de parts ou d’actions garanties à l’origine par le cédant initial, de faire signifier l’acte de sous-cession à ce dernier.
Matthieu BRINGER