Transposition de la directive droit d’auteur ; reconnaissance du droit à une rémunération « appropriée »
Conseil d’Etat, 15 novembre 2022, décision n°454477
L’article 18 de la directive 2019/790 du 17 avril 2019 portant sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique prévoit que lorsque les auteurs et les artistes interprètes transfèrent leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres, ces derniers ont le droit de percevoir une rémunération appropriée et proportionnelle.
Or, si l’Ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021 transposant la directive prévoit une rémunération « proportionnelle » au profit des auteurs, elle n’exige pas que cette rémunération soit également « appropriée » contrairement aux dispositions de la directive.
Estimant que les auteurs sont alors lésés dans le cadre de la cession de leurs droits exclusifs d’exploitation de leurs œuvres, le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices (CAAP) et la Ligue des auteurs professionnels ont saisi le Conseil d’Etat en vue de faire annuler pour excès de pouvoir cinq articles de l’Ordonnance dont l’article 4 remplaçant l’article L131-5 du Code de la propriété intellectuelle par les dispositions suivantes :
« Art L. 131-5.-I.-[…] II.- L’auteur a droit à une rémunération supplémentaire lorsque la rémunération proportionnelle initialement prévue dans le contrat d’exploitation se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’exploitation par le cessionnaire. Afin d’évaluer la situation de l’auteur, il peut être tenu compte de sa contribution […] »
Considérant que l’Ordonnance était insuffisante en ce qu’elle ne prévoit pas que la rémunération soit d’emblée « appropriée », le Conseil d’Etat a par une décision en date du 15 novembre 2022 jugé que les requérants étaient fondés à demander l’annulation de cette mesure et a annulé l’Ordonnance « en tant qu’elle ne prévoit pas que les auteurs cédant leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres ont le droit de percevoir une rémunération appropriée ».
Par ailleurs, dans le cadre de cette décision le Conseil d’Etat s’est également prononcé sur la compétence donnée aux Organismes de gestion collective en matière de négociation collective pour représenter les auteurs, contestée par les requérants au motif que cette compétence porterait atteinte à la liberté syndicale. Plus particulièrement, les requérant ont soutenu que porte atteinte au principe d’égalité en tant que principe général du droit de l’Union Européenne le fait d’autoriser les Organismes de gestion collective à conclure des accords professionnels relatifs respectivement à la reddition des comptes et à l’exercice du droit de résiliation en cas d’exploitation, d’une part, et à la rémunération des auteurs en matière de production audiovisuelle, d’autre part, alors que dans le secteur du livre les dispositions du Code de la propriété intellectuelle ne donnent compétence qu’aux seules organisations professionnelles.
Sur ces points, les demandes des requérants ont été rejetées dans la mesure où ces dispositions n’ont « ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité pour des auteurs de choisir d’adhérer à un syndicat de leur choix ou de constituer un syndicat, ni même de limiter la possibilité pour un tel syndicat de participer aux accords professionnels ».
Ainsi, la haute juridiction confirme la légitimité pour les Organismes de gestion collective de participer aux négociations professionnelles dans le secteur de l’audiovisuel considérant que la différence de traitement qui résulte de la spécificité du secteur du livre, lequel n’est pas structuré autour d’organismes de gestion collective, est « fondé sur un critère objectif et rationnel au regard du but poursuivi ».
Les Sociétés de gestion collective se réjouissent que cette décision consacre d’une part le principe de transparence et du droit pour les auteurs à bénéficier d’une information juste et régulière sur l’exploitation des œuvres et, d’autre part, la mise en place de négociations professionnelles obligatoires entre auteurs et producteurs afin d’encadrer les pratiques contractuelles et d’améliorer la rémunération des auteurs d’œuvres audiovisuelles.