TJ Paris, 3ème Ch. 2ème section, 18 mars 2022, n°20/07917
Dans le cadre de la promotion du nouveau flacon du parfum « La vie est belle » de Lancôme en 2011, la société a fait appel à une agence de création et de production audiovisuelle spécialisée dans la fabrication de films publicitaires pour la réalisation d’un film d’animation institutionnel intitulé « LANCOME NEO ».
Pour mener à bien ce projet, le prestataire a souhaité se faire accompagner par un graphiste indépendant qui a constaté que les éléments du film avaient été utilisés au-delà du périmètre initialement prévu dans le cadre de nouveaux films publicitaires Lancôme, sans cession de droits d’auteur ni rémunération.
Considérant que cette exploitation portait atteinte à ses droits d’auteur-réalisateur, le graphiste a engagé une action en contrefaçon de droit d’auteur.
En l’espèce, la question portait sur la détermination de la qualité d’auteur d’un graphiste ayant suivi des instructions précises dans le cadre d’un travail de commande d’une œuvre publicitaire.
Si le demandeur affirmait qu’il avait intégralement réalisé le film litigieux en opérant des choix créatifs et originaux, les défendeurs considéraient que le graphiste était un simple exécutant d’instructions précises ayant réalisé une prestation technique à l’aide d’un logiciel, ne manifestant aucun effort création et de ce fait dépourvu de toute originalité. En outre, l’agence de création et de production audiovisuelle a déclaré qu’elle s’est vue transmettre « un cahier des charges bien précis en vue d’obtenir un résultat conforme à sa stratégie de communication » et qu’un « brief établi par Lancôme décrivant dans les détails le film souhaité, scène par scène » avait été remis au graphiste.
Le Tribunal relève alors que « s’il appartient à celui qui s’en prétend l’auteur d’établir l’originalité de l’œuvre sur laquelle il revendique des droits, il n’a pas en principe à démontrer qu’il n’a pas été contraint dans ses choix. Il en va toutefois différemment si un tiers lui dénie au contraire toute liberté créative au motif que les instructions qu’il lui a communiquées ne lui laissaient aucune marge propre, comme le font les défenderesses. En pareil cas, l’auteur revendiqué devra établir avoir opéré des choix arbitraires à même de marquer l’œuvre de sa personnalité ».
Ainsi, un travail de commande n’est pas exclu de la protection du droit d’auteur s’il est empreint d’originalité.
Or, les choix discrétionnaires rapportés par le demandeur sont apparus comme constituant un apport trop limité pour démontrer l’empreinte de sa personnalité dans le film d’animation, le graphiste ayant suivi des directives précises afin de réaliser par le biais d’un logiciel une prestation purement technique pour se conformer à la stratégie de communication du client.
En conséquence, la qualité d’auteur n’a pas été reconnue au graphiste.