Un mois après le constat d’inaptitude, l’exhaustivité du salaire doit être reversé au salarié – Retour sur la jurisprudence du 1er semestre 2023
Lorsque le médecin du travail constate l’inaptitude d’un salarié, ce dernier ne peut plus – du fait même de cette inaptitude – exécuter son contrat de travail. Partant, il n’a plus vocation à percevoir de salaire.
Parallèlement, la procédure de licenciement pour inaptitude peut prendre du temps, notamment en raison de l’obligation de reclassement qui s’impose à l’employeur. C’est pour cette raison que le législateur a prévu que, passé un délai d’un mois à compter de l’avis d’inaptitude, le salarié devait être à nouveau rémunéré, malgré l’absence de prestation de travail fournie (art. L1226-4 et L1226-11 c. trav.).
Les médecins traitants peuvent à nouveau placer les salariés concernés en arrêt de travail. Cela permet à ces derniers de bénéficier des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) dès le premier mois de la procédure. Cela leur évite ainsi d’être totalement dépourvus de revenus.
Si l’arrêt de travail dure plus d’un mois, l’employeur tenu alors de reprendre le versement de la rémunération peut-il diminuer le versement du salaire dû de l’équivalent des IJSS ? C’est à cette question que la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 1er mars 2023, publié au bulletin (Cass. soc., 1er mars 2023, 21-19956).
Un salarié avait été déclaré inapte le 11 décembre 2015. L’employeur était donc tenu de reprendre le versement de son salaire dès le 11 janvier 2016. Le salarié avait ensuite été licencié bien plus tard, le 12 juillet 2016. Le salarié ayant bénéficié d’un nouvel arrêt de travail, l’employeur avait, à la faveur de sa subrogation aux droits du salarié, soustrait le montant des IJSS pour déterminer le montant de la somme due au salarié. La cour d’appel avait validé le procédé afin d’éviter que le salarié pût « percevoir une rémunération plus importante que celle qu’il aurait perçue s’il avait travaillé ».
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel. Reprenant la lettre du texte : « Lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail » (art. L1226-4 et L1226-11 c. trav.).
L’employeur doit donc verser « le salaire ». La haute juridiction a subséquemment jugé « qu’en l’absence d’une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l’employeur doit verser au salarié ».
En conséquence, passé le délai d’un mois suivant le constat de l’inaptitude, l’employeur doit verser l’exhaustivité de la rémunération au salarié, fixée forfaitairement, peu important que ce dernier perçoive par ailleurs des IJSS. En d’autres termes, le salariés cumul les indemnités.
La Cour de cassation avait déjà jugé en ce sens (Cass. soc., 18 déc. 2013, 12-16460) mais n’avait pas publié sa décision. 10 ans après elle confirme et publie son arrêt au bulletin. Le principe est donc réaffirmé et fait désormais jurisprudence.