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Une clause de sortie par laquelle certains actionnaires s’engagent à racheter prioritairement la participation d’un « investisseur » dans certains cas identifies n’est pas léonine


Dans le contexte d’une ouverture du capital d’un groupe de distribution de matériel informatique au profit d’un FCPR (pour des besoins de financement croissance externe du groupe), un pacte d’actionnaires fût conclu entre les actionnaires historiques et le fonds, qui devint minoritaire au capital de la holding (SA à directoire et conseil de surveillance). Le pacte d’actionnaires était accompagné d’un contrat d’émission d’obligations convertibles et d’une garantie d’actif et de passif.

Ce pacte octroyait au FCPR un droit de sortie prioritaire. Selon cette clause, les autres actionnaires s’engageaient à lui racheter, à sa demande, tout ou partie de ses titres (actuels ou futurs) à un prix convenu (cad un prix plancher majoré assorti d’un taux de rentabilité interne -TRI-), au cas où l’une des 4 opérations suivantes se réaliserait sans son accord préalable: la cession de titres par un « homme clé » de plus de 10 % des actions ou ayant pour effet de porter la participation totale des hommes clés dans la société à moins de 50 %, l’entrée d’un industriel au capital de la société à hauteur de 20 % ou au capital d’une participation de la société faisant perdre le contrôle de cette participation à la société, le non respect des articles du pacte relatifs à la déontologie des hommes clés et la cession d’actifs par la société.

Les relations au sein du directoire se dégradèrent et le dirigeant historique fut révoqué de son mandat de membre du Directoire. C’est dans ce contexte extrêmement litigieux mélangeant plusieurs sujets, que cet actionnaire fondateur demanda notamment l’annulation du pacte d’actionnaires (ou son inopposabilité), en soutenant que l’investissement du Fonds avait la nature d’un prêt (et devait être requalifié en ce sens), avec pour conséquence la nullité de la prise de participation de celui-ci ; il était également argué que la clause de sortie prioritaire était léonine en considération d’un défaut d’affectio societatis et car elle exonérait l’investisseur de tous risques de pertes et qu’elle devait donc être réputée non écrite en vertu de l’article 1844-1, al. 2 du Code civil[1].


De tels arguments ont été rejetés : la clause instaurait en des termes clairs et non ambigus une protection en faveur de l’investisseur au cas où les actionnaires « de référence » se désengageaient de la société dans certains cas précis dont la survenance ne dépendait pas de l’investisseur ; elle ne faisait pas disparaître l’aléa social auquel le FCPR était soumis au même titre que les autres actionnaires. Dès lors, la prétendue exonération des pertes sociales n’est pas prouvée et la clause attaquée n’était pas léonine ni contraire à l’intérêt social. C’est donc vainement que le demandeur avait tenté en déduire de cette clause un défaut d’affectio societatis de la part de l’investisseur.

Rappelons que l’interdiction des clauses léonines ne vient pas « contaminer » les clauses ayant pour objet d’assurer, moyennant un prix librement convenu et dans des conditions assurant

l’équilibre des conventions entre les parties, une transmission de titres, même si ces conventions sont conclues entre associés[2].

Ainsi, ne constitue pas une clause léonine l’engagement des principaux associés d’une société de racheter pour un prix minimal (en pratique un prix plancher majoré d’un intérêt déterminé, comme en l’espèce) les titres acquis par un investisseur s’il en fait la demande[3].

Cette jurisprudence de la cour d’appel de Paris vient donc opportunément conforter la présence dans les pactes de clauses de sortie prioritaire, qui constituent, au même titre que les actions de préférence, un levier nécessaire pur stimuler l’investissement.


Guillaume LECLAIR



[1] Article 1844-1 du Code Civil :

La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l’associé qui n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.

Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites.

[2] Notamment Cass. com. 22-2-2005 n° 259 ; Cass. com. 3-3-2009 n° 08-12.359.

[3] Cass. com. 16-11-2004 n° 1643.

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